Après avoir mis en lumières les stratégies que nous utilisons pour ne pas faire ce que nous avons d’important à faire, je vous propose d’aller voir ensemble pourquoi nous remettons à plus tard, toujours plus tard… en utilisant les stratégies décrites précédemment.
Il existe 6 raisons principales à cela, auxquelles chacun devrait pouvoir rattacher ses propres raisons à procrastiner.
Par perfectionnisme.
Le perfectionniste a besoin de fournir un travail impeccable, quasi-parfait, il a besoin de temps pour creuser, nourrir sa réflexion.
Voici le témoignage de John Perry sur le perfectionnisme dans son livre La procrastination : « Ne me définissant pas moi-même comme un perfectionniste, j’ai mis longtemps à saisir le lien entre procrastination et perfectionnisme. Souvent les procrastinateurs ne savent pas qu’ils sont perfectionnistes pour la bonne raison qu’ils n’ont jamais rien accompli de parfait.
Le perfectionnisme dont il est question ici, est purement fantasmatique, sans aucun rapport avec la réalité. Voilà un exemple. Quelqu’un me charge d’un travail. Mettons qu’un éditeur me demande d’évaluer un manuscrit, de me prononcer sur sa qualité et son éventuelle publication. J’accepte cette mission, sans doute parce que l’éditeur propose de me rémunérer en m’offrant des livres dont je me dis que j’aimerais les lire si je les avais en ma possession. Aussitôt ma vie fantasmatique prend le relais. Je m’imagine déjà écrire le compte rendu le plus excellent qui soit. Je m’imagine lire attentivement le manuscrit et en souligner les passages susceptibles d’être améliorés. J’imagine l’éditeur recevoir mon rapport et s’exclamer : « Chapeau bas ! C’est le meilleur compte rendu que j’aie jamais reçu ! » Dans mon fantasme, mon compte rendu est percutant, impartial et sert autant à l’auteur qu’à l’éditeur.
Qu’est-ce que le perfectionnisme ? Il s’agit moins de fournir un travail parfait que de prendre prétexte de travaux en cours pour alimenter ses fantasmes de perfection.
En quoi le fantasme de perfection est-il propice à la procrastination ? Tout simplement parce qu’il n’est pas simple de faire les choses à la perfection. (…) ».
Tout comme John Perry, vous m’auriez demandé il y a quelques mois si j’étais perfectionniste, je vous aurais répondu non. J’aime que les choses aillent vite, j’appréhende généralement les situations de façon globale, je n’aime pas forcément aller dans le détail… et pourtant… en y regardant de plus près… j’aime quand les choses sont précises et bien faites. Je peux relire et réécrire un texte plusieurs fois avant d’oser le donner à lire. J’ai en fait, plus exactement, une forme d’exigence qui fait que je ne peux pas sortir un résultat si facilement et rapidement que je l’aimerais. Alors oui, je procrastine parce que je suis exigeante et que, une part de moi, sait que ce que j’ai à accomplir est long et fastidieux…
Toutes les stratégies de procrastinations pourront être utilisées et surtout la 11ème « je n’ai pas assez de temps devant moi, je remets à demain ». Nous verrons au chapitre suivant comment déjouer cette première cause de procrastination.
Par peur d’échouer, de décevoir, de ne pas être à la hauteur.
Cela revient à un manque d’estime de soi, un manque de confiance en soi… la peur de l’échec ou même du succès. Si vous vous sentez proche de cette raison de procrastination, vous êtes à priori préoccupé par l’opinion des autres sur vous-mêmes ; vous pouvez par exemple préférer que les autres pensent que vous ne faites pas d’effort plutôt qu’ils pensent que vous manquez de capacités. Ce profil peut être dans une dévalorisation constante larvée, avec une forte ambivalence qui pourrait être « tout le monde croit que je suis super intelligent, mais en fait, moi, je n’en suis pas certain(e). Alors mieux vaut ne pas s’embarquer là-dedans car on risque de s’apercevoir que je ne suis pas celui (ou celle) qu’ils croient que je suis. »
La plupart d’entre nous avons grandi avec l’idée que les erreurs sont quelque chose de mal et qu’il convient de les éviter à tout prix. Nous avons tendance à considérer les erreurs comme le signe d’une intelligence limitée. Plus vous faites d’erreurs, plus vous êtes stupide. Les erreurs sont autant d’occasions d’apprendre quelque chose de nouveau.
Par la quantité trop importante de tâches à accomplir ou par l’affluence d’idées nouvelles.
La personne a tellement d’action à mener qu’elle ne sait pas par où commencer et que finalement, parfois, cela conduit à un blocage mental qui fait que la personne ne va même plus être capable de commencer.
A cette catégorie peut se rattacher le profil du créatif, de l’idéateur. Nous pourrions le décrire ainsi, il pense tout le temps, son esprit va aller d’une pensée à l’autre, puis de celle-ci- à celle-là comme un singe/sage d’une liane à une autre dans la jungle immense. On a d’ailleurs souvent comparé l’esprit à un singe. Et d’un coup, notre singe s’arrête et se demande ce qu’il fait là, ne se souvenant même plus de son idée de départ. Cette façon de fonctionner se retrouve donc chez les créatifs, et également chez les HPI (Haut Potentiel Intellectuel, également nommés zèbres ou encore atypiques) dont les idées, souvent enthousiasmantes, jaillissent à un rythme effréné. Et pour ces types de tempéraments, il sera beaucoup plus intéressant, et facile, de suivre toute nouvelle idée que de rester sur la précédente, la creuser, la nourrir, la laisser maturer, la partager, l’enrichir… L’élan naturel sera d’aller attraper une nouvelle liane plutôt que de rester sur celle sur laquelle ils étaient, pour se hisser jusqu’en haut comme il l’avait prévu initialement. Il ne s’agit pas d’empêcher le singe de sauter de liane en liane, mais de l’apprivoiser un peu pour construire un projet plus complet. Nous verrons comment dans le prochain chapitre (les clés pour arrêter de procrastiner).
Par besoin de pression et d’adrénaline.
Ces personnes veulent de l’efficacité et elle sont particulièrement efficaces quand elles sont sous la pression d’une date limite proche. Il a également été montré (dans l’excellent Flow de Mihaly Csinse…) que pour entrer dans le Flow, c’est à dire cet état agréable et optimum de travail, dans lequel plus rien d’autre n’existe et il fallait avoir la bonne dose de challenge. Alors ces personnes se créent elles-mêmes un challenge, de la seule manière qui est en leur possession, par une action sur le temps. Elle se donnent un défi temporel.
Parce que nous avons un rapport au temps déformé.
Le temps dont nous estimons avoir besoin pour remplir une tâche n’est pas du tout le temps réel dont nous aurons besoin. Et cela peut très bien être dans un sens : nous sous-estimons le temps dont nous avons besoin pour accomplir une tâche (et cela peut alors se rattacher au besoin précédent, le besoin d’adrénaline), comme dans l’autre : nous sur-estimons le temps dont nous avons besoin pour accomplir une tâche, et dans ce cas-là, cela pourra être par besoin de temps pour soi, pour se préserver de précieuses minutes, voire heures, et accomplir toutes sortes d’autres tâches qui sont importantes pour nous (et cela pourra éventuellement se rattacher au point suivant).
Par manque d’intérêt chronique dans la tâche à accomplir.
C’est le cas notamment pour les personnes travaillant dans un domaine qui ne les intéresse pas ou ayant un travail quotidien sans intérêt pour eux. Cela sera le cas également des personnes ne recevant jamais de retour positif sur le travail accompli. Ils sont démotivés. Ils n’ont pas de challenge suffisant dans leur travail. Ils ne trouvent pas de sens dans leurs journées de travail. Dans ce cas particulier, il faudra accepter d’aller creuser plus profondément et d’envisager une remise en question plus profonde…